NETTALI.COM - Il n’y a pas de reconnaissance dans le football, et ça, tout le monde doit le savoir, même le plus grand entraîneur de ces 15 dernières années. Plongé dans une série noire depuis quelques semaines, Pep Guardiola ne serait-il pas tout simplement démodé ?

Dans le ciel des Skyblues, une éclipse dure depuis bien trop longtemps. Très exactement six matchs sans victoire, dont un dernier nul rocambolesque face au Feyenoord Rotterdam (3-3). À l’approche de la rencontre la plus importante de cette première partie de saison face à Liverpool, Guardiola et ses gars sont dos au mur : un mauvais résultat les reléguerait à 11 points de la bande d’Arne Slot. Tout ça alors que Pep vient tout juste de renouveler son contrat à City, arguant qu’il lui était impossible de quitter le navire en pleine tempête. Alors oui, l’homme au look minimaliste et à l’image soignée a de quoi s’arracher les cheveux qu’il n’a plus : il pourrait bien se trouver pour de bon en fin de cycle.

Guardiola, le coach “bourgeois”

Cette perte d’influence, certainement un des pires cauchemars du Catalan, permet surtout de mettre le doigt sur un de ses traits de caractère. Pep Guardiola serait un coach “bourgeois”. Ceux qui ont peur des mots, parleront plutôt d’un idéaliste, voire d’un artiste, obsédé de l’esthétisme du jeu de possession. Une oeuvre plus qu’une stratégie. Mais ce serait oublier que pour mettre en place son plan, Pep a besoin d’une matière première : des joueurs de classe mondiale. Chose qu’on ne trouve pas sous chaque rocher, ni même dans 95% des clubs pros, mais bien à Barcelone, Munich ou Manchester.

Comme par hasard : c’est pile le chemin emprunté par le divin chauve. Si ça a le mérite de poser des débats éclairants comme “Tu penses que Guardiola pourrait faire ce qu’il fait avec Angers ?”, ce constat permet surtout d’affirmer que Guardiola aime le luxe. Son luxe à lui, c’est de pouvoir compter sur ces fuoriclasse pour donner vie à ses idées. L’atout majeur de ces derniers ? La lucidité technique. C’est-à-dire, maîtriser à la perfection des gestes pour se libérer du temps de cerveau disponible afin d’exécuter au mieux un plan. Savoir se placer sur un terrain, on peut l’apprendre même à n’importe quel joueur pro ; en revanche, il n’y a plus le temps de lui apprendre à faire une passe millimétrée.

À City, à force de dispendieux mercatos, le coach a pu en extraire le nectar avec une forme d’élitisme. C’est comme ça qu’on passe d’Eliaquim Mangala acheté 50 millions à Joško Gvardiol pour 90 millions sans oublier les 117 millions pour Jack Grealish. Les proprios émiratis n’ont jamais rien refusé à celui qui leur a ramené le graal, la Ligue des champions. Problème : ce château de cartes peut s’écrouler dès que cet effectif, aussi pléthorique soit-il, s’affaiblit.

Les indispensables, il y en a plein dans les cimetières. Et à Manchester City, ils sont plutôt à l’infirmerie. Son bras droit, Rodri, actuel Ballon d’or, mais aussi Jérémy Doku, Rúben Dias, John Stones, Mateo Kovačić et Oscar Bobb, alors que Kevin De Bruyne en revient à peine. “Rendez-moi mes joueurs : vous verrez Man City !”, jure-t-il.

Mais dans un foot moderne qui demande aux meilleures équipes de jouer plus de 60 matchs, avec une intensité toujours croissante, Pep Guardiola goûte au revers de la médaille, comme si la bulle qu’il avait créée pouvait à tout moment exploser.

Un plan de jeu qui sature dans le temps

Dire qu’il n’a pas révolutionné le football serait un grand mensonge. Le fait d’avoir apporté le tiki-taka à Munich et de l’avoir adapté au championnat allemand, est un argument parmi tant d’autres. Mais le problème, c’est qu’avec le temps, son style de jeu est devenu familier et les adversaires ont trouvé des solutions pour l’appréhender. Entre les blocs bas qui rendent sa possession stérile, les transitions rapides exploitant les espaces libres sur les ailes, sans compter le contre-pressing, son jeu deviens moins adapté, notamment dans les situations d’urgence.

Guardiola se retrouve face à des adversaires mieux armés humainement et tactiquement. Même problème pour Luis Enrique au PSG, avec ses idées similaires qui peinent à rendre heureux les supporters parisiens. Bien qu’il se soit renouvelé avec l’arrivée d’Haaland pour intégrer la notion de transition dans son système, le magicien de Santpedor s’enferme dans ses principes. Son approche très structurée et mentale peut autant transcender des individualités que “brider” leur spontanéité et leur créativité. Parlez-en à Doku ou bien Greaslish, qui ne semblent pas être utilisés à leur juste valeur.

Qu’on ne s’y trompe pas : “démodé” ne veut pas dire “finito”. Surtout que – vos vieux survêts de foot peuvent en attester – la mode est une affaire de cycle. Mais plutôt que d’attendre une quinzaine d’années pour que le Pep-ball des années 2010 ne soit remis au goût du jour, Guardiola doit s’attaquer au plus grand défi de son règne mancunien : se renouveler.

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