NETTALI.COM - La 15e législature ne perd pas de temps. Les bureaux qui la composent ont été installés ce vendredi et Abass Fall, nouvellement nommé ministre, connaît déjà son remplaçant. Cependant, ce qui reste sur toutes les lèvres pour cette nouvelle ère à l'hémicycle est la révocation du maire de Dakar Barthélemy Dias de son poste de député.
À peine installée, le 2 décembre, la 15e législature perd déjà une figure importante. En effet, le maire de Dakar n'aura pas l'opportunité de fouler le sol de l'hémicycle cette fois-ci, car son mandat arrive déjà à terme. “Sur demande du ministre de la Justice, garde des Sceaux, en application des dispositions de l'article 61 de la Constitution, dernier alinéa, et de l'article 51 de notre règlement intérieur, dernier alinéa, le bureau de l'Assemblée, réuni le jeudi 5 décembre 2024, a procédé à la radiation de Barthélemy Toye Dias”, a déclaré le président de l'Assemblée nationale El Malick Ndiaye, lors d’une session consacrée à la ratification des listes des membres des commissions permanentes.
Bien que cette radiation de l'ancien allié vole la vedette à tout le reste, la communication du chef de l'hémicycle a également porté sur ses ambitions pour les cinq prochaines années. “Pour une Assemblée pleinement engagée, nous oeuvrerons à légiférer pour le bien commun, à contrôler efficacement l’action gouvernementale et à répondre aux priorités nationales en plaçant les aspirations du peuple sénégalais au coeur de nos priorités. Chers collègues, je m’engage à travailler avec vous dans un esprit de dialogue, d’ouverture et de justice”, a rassuré l'ancien ministre des Infrastructures.
La radiation bien ancrée à Taxawu Sénégal
Avec cette radiation, Barth est certes affaibli, mais il garde encore la convoitée mairie de Dakar. Toutefois, il devra rester sur ses gardes, car si le gouvernement actuel pousse l'appétit un peu plus loin, BTD pourrait rapidement être dépourvu de son statut de maire de Dakar.
Cependant, la révocation de Barthélemy n'est pas une nouveauté. En 2019, son mentor avait déjà perdu son mandat de député. À l'époque, c'est le même “article 61 de la Constitution” qui prévoit que le député, faisant l’objet d’une condamnation définitive, est radié de la liste des députés, à la demande du ministre de la Justice. “On ne peut pas nous reprocher d’appliquer la Constitution. Les avocats parlent, les journalistes parlent, les professeurs parlent, la société civile parle, mais après tout, c’est le bon du juge qui est important”, expliquait alors le garde des Sceaux Ismaila Madior Fall.
Déthié tient parole
La révocation de Barthélemy Dias a comme autre conséquence la consécration de Déthié Fall au poste désormais vacant. Mais comme il fallait s'y attendre et comme il l'avait luimême promis lors de ses différentes sorties, le président du PRP ne va pas siéger. “Suite à la radiation prononcée par l’Assemblée nationale de la tête de liste Sàmm Sa Kaddu, ma position sur ladite liste passe. Devant le peuple sénégalais, auquel mon attachement est connu de tous, j’avais pris l’engagement que j’allais remettre ce poste, s’il me revenait, du fait de ma démission de cette coalition et de mon soutien à la liste Pastef dirigée par le président Ousmane Sonko”.
Déthié respecte ainsi “la parole donnée”, qui lui est “très chère”. Ce nouveau chapitre, par la force des choses, du cas Déthié Fall, vient accentuer son ancrage au sein de la mouvance présidentielle. “Je renouvelle tout mon soutien au président de la République Bassirou Diomaye Faye et au Premier ministre, président de Pastef Ousmane Sonko, avec qui j’ai partagé tous les combats politiques de ces trois dernières années pour la démocratie et les libertés avec tous les sacrifices possibles”.
Toujours est-il que la tournure un peu invraisemblable de l'histoire pourrait redonner le sourire à Pape Djibril Fall, désormais destiné à récupérer le siège.
Taxawu au chevet de Barth
Pour l'heure, le principal concerné ne s'est pas encore prononcé. Toutefois, sa formation politique, Taxawu Sénégal, exprime sa “vive indignation face à la décision prise, ce jour (hier), par l’Assemblée nationale”.
Selon les socialistes, cette décision de l'hémicycle est en “totale contradiction avec les principes fondamentaux de la démocratie”. Ils estiment, à travers un communiqué, que cette radiation trahit la “volonté populaire, mais également le socle même de l’État de droit”.
Ceux de Taxawu Sénégal rappellent par ailleurs que “la candidature de Monsieur Barthélemy Dias a été validée par le Conseil constitutionnel, conformément aux exigences de la loi. Dès lors, toute contestation de son mandat est une remise en cause directe de l’autorité du peuple sénégalais qui lui a accordé sa confiance lors des élections législatives”.
Dans leur communication, les membres de Taxawu laissent entendre que l'actuel Premier ministre, qui présente un cas similaire, bénéficie bizarrement d'un traitement de faveur. “Il convient également de noter qu’en son arrêt n°1 du 4 janvier 2024, la Cour suprême a rejeté le pourvoi formé par Monsieur Ousmane Sonko contre l’arrêt n°137 rendu le 8 mai 2023 par la première chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Dakar”.
Selon la missive de Taxawu, “cet arrêt, intervenu dans le cadre de la procédure de diffamation l’opposant à Monsieur Mame Mbaye Niang, a ainsi consacré la condamnation définitive de Monsieur Ousmane Sonko à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis”.
Les socialistes ont pris soin de joindre à leur argumentation ce même article 61 de la Constitution, dans son ultime alinéa, repris par l’article 51 du règlement intérieur de l’Assemblée, pour asseoir la thèse selon laquelle Ousmane Sonko aurait dû subir le même sort que Barthélemy Dias, si la loi était appliquée dans toute sa rigueur. “Dans ce contexte, il est incompréhensible que la rigueur de ce dispositif juridique ait été appliquée avec une célérité implacable à l’encontre de Monsieur Barthélemy Dias, tandis que Monsieur Ousmane Sonko, qui a suspendu son mandat, bénéficie d’une surprenante mansuétude”.
Taxawu Sénégal dénonce avec la plus grande fermeté cette “justice à géométrie variable où des principes fondamentaux sont appliqués de manière sélective, au gré des intérêts partisans”.
En outre, le parti de Khalifa Sall est convaincu que cette pratique, si elle devait se généraliser, constituerait “un péril majeur pour les fondements mêmes de notre démocratie”. Taxawu Sénégal entend explorer “toutes les voies de recours légales, nationales comme internationales, afin de rétablir le droit et de garantir à Monsieur Barthélemy Dias la possibilité d’exercer pleinement le mandat que le peuple lui a confié”.
Enfin, pour cette frange de l'opposition, “la démocratie ne saurait être le jouet des intérêts particuliers ou des calculs partisans. Elle appartient au peuple”.
Ces débuts en fanfare de cette 15e législature intéressent au-delà des deux principaux intéressés (Pastef et Taxawu Sénégal). Zahra Iyane Thiam, depuis sa page X, y est allée de son grain de sel. “La révocation de Barthélemy Dias, bien que juridiquement fondée sur l'article 51 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, ne devrait pas alimenter la perception d'une décision dictée par des considérations politiciennes”.
Selon l'ancienne membre de l'APR, “il est crucial de rappeler que sa qualité de maire de Dakar n'est aucunement menacée, car le chef d'accusation ayant conduit à sa radiation ne figure pas parmi les motifs de révocation prévus par le Code général des collectivités territoriales”.