CONTRIBUTION - Le traitement réservé à Barthélémy Dias, maire de Dakar et d'autres opposants au nouveau régime, peut, inéluctablement, soulever des questions, selon la perspective adoptée, sur une possible stratégie politique ou un règlement de comptes. Ce genre de situation n'est pas rare dans le paysage politique sénégalais, où les rivalités entre leaders peuvent se transformer en batailles judiciaires ou administratives.
Dans le cadre d'une stratégie politique, plusieurs facteurs peuvent entrer en jeu :
*Tentative de neutralisation des "grandes gueules"*
Toutes les figures politiques influentes, affiliées à l'opposition, et souvent critiques envers le pouvoir en place semblent être en sursis. Le fait de les affaiblir politiquement ou de les distraire par des démêlés judiciaires pourrait être une tactique pour réduire leur impact dans le débat public.
*Consolidation du pouvoir*
L'approche pourrait viser à envoyer un message aux autres opposants ou à renforcer la domination du parti au pouvoir dans des zones stratégiques comme Dakar. Les tensions au sein même de l'opposition peuvent aussi jouer un rôle dans une tentative de déstabilisation.
*Règlement de comptes et affrontements historiques*
Une autre hypothèse pourrait être un règlement de comptes personnel ou institutionnel, un contentieux passé. Ironie du sort, tous ceux qui sont convoqués, sont connus pour leurs positions tranchées, parfois, très radicales, leur franc-parler. Leurs prises de position passées ont pu froisser des figures influentes, ce qui pourrait motiver des actions ciblées contre eux. Le conflit entre ceux qui semblent être "ciblés" et certains membres de l’appareil judiciaire ou de la classe politique pourrait être le prolongement d’anciennes tensions non résolues.
*Conséquences pour la démocratie*
Quelle que soit la motivation derrière cet "acharnement", si les démarches ne sont pas perçues comme justes ou transparentes, elles risquent de porter atteinte à la crédibilité des institutions sénégalaises. L’opinion publique, souvent sensible à ce type de conflit, pourrait interpréter cela comme un abus de pouvoir ou un détournement de la justice à des fins politiques.
Il est difficile de trancher sans une analyse approfondie des faits. Toutefois, le contexte sénégalais montre que ces deux hypothèses ne sont pas mutuellement exclusives. Ce type de tension illustre les défis d'une démocratie en développement, où l'équilibre entre justice, politique et rivalités personnelles reste fragile.
*Instrumentalisation de la justice*
De Senghor à Macky Sall, en passant par Abdoulaye Wade, l'indépendance de la justice est restée le goulot d'étranglement des institutions du Sénégal et demeure le sujet le plus animé des hommes politiques, y compris, ceux qui sont actuellement, au pouvoir. Le Président Bassirou Diomaye Faye, lui-même, n'a-t-il pas été emprisonné pour des écarts de langage contre les magistrats ?
Les dirigeants actuels, en tant que garants des institutions et de la stabilité démocratique, ont la responsabilité de maintenir un équilibre et d’éviter toute dérive perçue comme de l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Dans une démocratie saine, les divergences idéologiques et politiques doivent se régler dans le cadre d’un débat transparent et non par des manœuvres qui pourraient fragiliser la confiance des citoyens dans les institutions.
*Savoir raison garder*
Reconnaître que "le pouvoir est temporaire", est la position la plus sage et la plus intelligente d'un homme d'État ou même d'une personne éprise de foi.
Les dirigeants actuels, quel que soit leur mandat, doivent se rappeler qu’ils ne sont que des gestionnaires passagers de l’État. Les actes posés aujourd’hui auront des répercussions, d'abord, sur leur conscience, ensuite, sur la légitimité et la crédibilité des institutions du Sénégal, à long terme.
Il faut, donc, savoir raison garder. L'histoire retient que tous les dirigeants qui se sont adonnés a des actes démesurés et mal calculés, pendant qu'ils étaient aux affaires, ont appris à leur dépens que le pouvoir est une affaire qui dépasse les humeurs et que la puissance de l'être humain ne va pas plus loin que son ombre.
Le Bon Dieu, qui est Unique à avoir le monopole du pouvoir, a choisi les dirigeants pour Le remplacer sur terre, pas pour des brimades ou autres méchancetés, mais, pour l'équilibre, l'amour, la pitié, la tolérance.
*Attention à l'effet boomerang*
La justice doit rester indépendante.Tout soupçon de manipulation de l’appareil judiciaire pour écarter des opposants affaiblit non seulement la démocratie, mais aussi le respect de l'État de droit.
Aussi, le peuple, plus regardant, plus mûr, observe les actions et les prises de décisions des tenants du pouvoir. Ceci, depuis plusieurs décennies.
L’histoire récente a montré que les citoyens, notamment les jeunes, sont, de plus en plus, conscients et actifs. Toute perception d’injustice ou d’abus de pouvoir pourrait se retourner contre les acteurs concernés, surtout à l’approche d’échéances électorales.
*Délits d'opinion et liberté d'expression*
Plusieurs personnalités sénégalaises ont récemment été confrontées à des actions judiciaires ou policières, soulevant des questions sur la liberté d'expression et la gestion des opposants politiques.
Pour la reddition des comptes, il n'y a rien de plus normal que de convoquer les personnes ou personnalités soupçonnées de détournements de derniers publics et de fouiller, avec rigueur, leurs gestions. Et tout sénégalais, épris de justice, ne semble furax à l'idée de veiller à la gestion transparente de nos maigres ressources.
Mais, ce qui est surprenant et déplorable, c'est ce semblant d'acharnement sur des citoyens ou hommes politiques pour des délits d'opinion. Et la liste des concernés est loin d'être exhaustive:
*Moustapha Diakhaté*, ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, a été placé sous mandat de dépôt le 25 novembre 2024 pour des propos jugés insultants par le biais d'un système informatique. Le tribunal des flagrants délits de Dakar l'a condamné à deux mois de prison ferme le 28 novembre 2024.
Le journaliste *Adama Gaye* a été convoqué par la Division des investigations criminelles (DIC), ce jeudi 12 décembre 2024 pour des accusations liées à la cybercriminalité.
*Cheikhna Keita*, ancien commissaire de police, a été placé en garde à vue à la DIC en novembre 2024. Après sa libération, il a critiqué les conditions de détention, dénonçant des situations où certains détenus sont contraints de dormir debout en raison du manque de places.
*Barthélémy Dias*, Maire de Dakar, a été convoqué à la Sûreté urbaine ce 12 décembre 2024. Son chargé de communication a accusé le Premier ministre Ousmane Sonko d'être derrière cette convocation.
Le journaliste *Madiambal Diagne* a été convoqué par la Sûreté urbaine de Dakar le vendredi 13 décembre 2024 à 10h00, suite à une plainte déposée par le Premier ministre Ousmane Sonko. Cette plainte, déposée durant la campagne électorale, accuse Madiambal Diagne de diffamation, de diffusion de fausses nouvelles, d'injures publiques et d'insultes par le biais d'un système d'information.
Madiambal Diagne a informé le public de cette convocation en déclarant : « Je viens de recevoir la convocation de la Police, suite à la plainte que Ousmane Sonko avait déposée contre moi durant la campagne électorale. J'ai rendez-vous donc, ce vendredi 13 décembre 2024, à 10h à la Sûreté urbaine à Dakar. »
*Tensions politiques*
Toutes ces actions s'inscrivent dans un contexte où plusieurs personnalités politiques et médiatiques ont été confrontées à des actions judiciaires ou policières, soulevant des questions sur la liberté d'expression et la gestion des opposants politiques au Sénégal. En effet, ces événements illustrent la permanence, depuis quelques années, des tensions politiques au Sénégal et soulèvent des préoccupations concernant la liberté d'expression et le traitement des citoyens.
En somme, gouverner avec mesure, dans le respect des règles démocratiques et des libertés individuelles, est non seulement, une exigence morale, mais aussi, une stratégie pour préserver la paix sociale et l’intégrité de l’État.
Et que, pour les croyants que nous sommes ou prétendons être, qu'on soit dirigeant ou simple citoyen, nous devons, en tout temps et en tout lieu, nous rappeler que l'"on quitte ce bas-monde" avec "les mains" remplies de nos œuvres. Bonnes et mauvaises.
Puisse la clémence divine faire en sorte que, lorsque cette heure incontournable arrivera, que nos bonnes œuvres prennent toujours le dessus sur les mauvaises.
A bon entendeur....
*BBF*