NETTALI.COM - Le projet de Loi de finances (Plf) 2025 revient en détail sur les nouvelles orientations du pouvoir en matière de mobilisation de recettes, de dépenses, d’investissements, d’endettement…

Les nouvelles autorités placent leur stratégie économique sous le signe de la rigueur fiscale et de l'optimisation des recettes. Le référentiel économique annoncé repose en grande partie sur les ressources internes et la maîtrise des finances publiques pour répondre aux priorités définies dans la Loi de finances initiale (Lfi) 2025.

Face à l’urgence, l’assainissement des comptes publics devient un impératif incontournable. Les mesures envisagées misent sur une gouvernance redressée et une sincérité retrouvée des comptes, avec des actions fortes pour rétablir la crédibilité budgétaire.

En matière de recettes, dans le projet de Lfi, un accent particulier est porté sur le renforcement de la mobilisation des ressources internes, l’élargissement de l’assiette, la sécurisation des recettes et des circuits de collecte ainsi que le renforcement de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale.

Ces efforts visent à garantir un équilibre budgétaire tout en assurant un meilleur accompagnement de la relance économique et en soutenant les ménages affectés par les pressions économiques.

À travers ces réformes, les autorités ambitionnent de poser les bases d’une économie plus résiliente et d’une gestion financière plus transparente, en phase avec les attentes des citoyens. Des innovations ont ainsi été mises en place pour un système fiscal plus dynamique et capable de soutenir une croissance économique inclusive. Il s’agit de l’introduction, dans le Code général des Impôts, de nouvelles obligations dans le cadre de l’exécution des marchés ou contrats conclus avec des personnes étrangères ayant des installations professionnelles au Sénégal et l’instauration d’une retenue à la source libératoire sur les prestations médicales et paramédicales, de la fixation du taux de la taxe spécifique sur les tabacs à 70% et le maintien des établissements publics, et surtout des concessionnaires de services publics, dans les domaines de l’eau, de l’électricité et du téléphone parmi les entités qui doivent effectuer le précompte de Tva, de l’institution d’une retenue à la source, fixée à 10%, sur les sommes versées par les établissements de soins privés en rémunération de prestations réalisées par les membres des professions médicales et paramédicales qui ne font pas partie de leur personnel salarié, du rétablissement de la fiscalité prévue au tarif extérieur commun de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) sur les importations d’appareils de téléphones portables, du rétablissement de la fiscalité sur les produits, objets de mesures douanières de renonciation de recettes, en fonction des tendances baissières notées sur les marchés internationaux d’approvisionnement, tout en tenant compte de la nécessité de lutter contre l’inflation sur le marché national.

«Des moins-values attendues de près de 600 milliards FCfa à fin décembre 2024»

Le document signale que pour l’année 2025, les prévisions de recettes internes, fiscales et non fiscales ont été faites, tenant compte des contraintes économiques de l’année 2024, marquée par des contre-performances qui ont considérablement impacté les prévisions initiales, avec des moins-values attendues de près de 600 milliards FCfa à fin décembre 2024. Il importe de relever que ces contre-performances résultent, en grande partie, de prévisions assez optimistes et de la mise en œuvre assez timide de certaines réformes. Il est toutefois attendu une reprise économique pour 2025, à la faveur de la stabilité de l’environnement sociopolitique, des mesures en cours pour stimuler les investissements publics et les exportations des hydrocarbures, avec celles du pétrole qui ont bien démarré et celles du gaz, attendues début 2025. Ainsi, la progression des recettes est projetée à 20% par rapport à la situation attendue fin 2024, et de 3,6% par rapport aux prévisions initiales de 2024. Il y a donc, cumulativement, un effet de rattrapage et une évolution résultant de la reprise, en attendant le plein effet des mesures de réformes fiscales et douanières. Avec les réformes du Code général des impôts et du Code des Douanes, l’année budgétaire 2025 sera l’occasion de rénover en profondeur les dispositions fiscales et douanières du pays. Ces réformes devront favoriser une meilleure rationalisation des exonérations fiscales et un élargissement de l’assiette pour optimiser la collecte des ressources nécessaires pour assouvir les ambitions du Gouvernement de satisfaire les attentes fortes des populations. Elles seront accompagnées de mesures pour l’accélération de la modernisation des administrations fiscale et douanière, de la maturité digitale et de la rénovation des procédures, pour améliorer la productivité des services de recouvrement.

Changer la perception derrière le paiement de l’impôt, telle est la philosophie des nouvelles autorités derrière ces réformes, en amenant le citoyen à comprendre qu’il ne subit pas une imposition injustifiée, ni qu’il se soumet à une contrainte fiscale, mais que c’est par son effort contributif qu’il participe au développement du pays. Bâtir un système d’imposition juste, efficace, équitable, simple et transparent sera nécessaire pour favoriser le consentement à l’impôt.

Rationalisation des dépenses courantes

En ce qui concerne les dépenses, des mesures fortes de rationalisation des dépenses courantes sont engagées afin de se concentrer sur les dépenses incompressibles et de dégager des marges budgétaires susceptibles d’être réorientées vers les besoins prioritaires et urgents. S’agissant des dépenses courantes, la Lfi 2025 note une maîtrise des dépenses de personnel, qui connaîtront une progression de 3%, soit 43,1 milliards FCfa en valeur absolue, alors que la tendance moyenne, sur les trois dernières années, est de 13%, soit une hausse moyenne annuelle de 160 milliards FCfa entre 2022 et 2024. Les dépenses d’acquisition des biens et services connaîtront une baisse de 1,9% comparées aux prévisions initiales de 2024 tandis que les dépenses de transferts courants enregistreront une hausse de 20,9%, avec la prise en compte de la subvention pour le secteur de l’énergie à hauteur de 450 milliards FCfa, montant conforme au niveau réel des subventions consenties au cours de l’année 2024. Une attention particulière a été portée au secteur primaire, avec une enveloppe de 120 milliards FCfa de subventions pour stimuler la production agricole ; à la souveraineté alimentaire durable ; au renforcement des moyens en faveur des collectivités territoriales, avec une hausse des dotations budgétaires décentralisées (Fdd et Fect), à l’ajustement à la hausse, des dépenses pour le secteur de l’enseignement supérieur, pour les bourses, universités et centres d’œuvres sociales ; à la consolidation des ressources destinées au renforcement de l’équité sociale (bourses de sécurité sociale, couverture sanitaire universelle...) ; au renforcement des transferts pour les établissements scolaires et sanitaires ; au renforcement de la dotation pour l’Assemblée nationale, pour une bonne mise
en œuvre de ses missions de contrôle des politiques publiques.

150 milliards pour de nouveaux projets dans le Pip 2025-2027

Pour ce qui est des dépenses d’investissement, la programmation dans la Lfi 2025 accorde la priorité à celles qui sont alignées sur les nouvelles orientations politiques. Les efforts de rationalisation, notamment la suppression et les ajustements opérés sur certains projets sans lien avec le référentiel ont porté sur une enveloppe de plus de 249 milliards FCfa. Dans le choix des nouveaux investissements et ceux à poursuivre, un accent particulier a été mis sur la décentralisation, pour tenir compte de la configuration des pôles territoriaux, dans la perspective d’un développement plus harmonieux, avec des actions qui devront contribuer à une valorisation pleine de leurs potentiels, mais également de la correction des disparités spatiales dans la répartition des équipements permettant l’accès aux services essentiels. Au-delà des projets en cours d’exécution, bien alignés au référentiel, près de 150 milliards FCfa concernant de nouveaux projets ont été pris en compte dans le Programme d’investissements publics (Pip) 2025-2027, comprenant notamment des allocations pour le fonds d’intervention pour le renforcement des investissements structurants dans les pôles territoriaux ; le développement du projet réseau gazier ; le projet de transfert d’eau ou Initiative des Autoroutes de l’Eau, la mise en œuvre de projets de renforcement de l’offre de santé ; le renforcement des équipements et infrastructures sécuritaires ; le renforcement des actions en faveur de la résilience aux inondations. Pour un impact plus visible des investissements sur le vécu quotidien des citoyens, il a été proposé la suppression de plusieurs lignes de dépenses d’investissement à faible contenu en formation brute de capital fixe ou leur transfert vers le fonctionnement.

Endettement : sélection des projets à financer, recours aux Diaspora bonds estimés à 1500 milliards

Pour préserver les marges de viabilité de la dette, le Sénégal compte mettre en œuvre une politique d’endettement prudente. La stratégie retenue consiste à mobiliser les ressources concessionnelles disponibles auprès des bailleurs classiques à travers une sélection rigoureuse de projets à financer (en s’appuyant sur le Comité de Sélection des Projets et Programmes d’investissements publics mis en place en 2024). Un accent particulier sera mis pour asseoir une stratégie permettant le développement du financement domestique et des financements innovants, conformément à la Stratégie nationale de développement (Sn2d) 2025-2029, pour une augmentation soutenue de la part des financements libellés en monnaie locale. Il est ainsi visé un mix de nouveaux financements extérieurs et domestiques à hauteur de 41% et 59% respectivement, à l’horizon 2027. Sous ce rapport, il sera recouru aux Diaspora Bonds comme source de diversification de l’endettement en monnaie locale. Ces ressources des «Diaspora Bonds», conjuguées à la bonne capacité d’absorption des titres du Sénégal du marché domestique (par adjudication et par appel public à l’épargne), estimées à plus de 1500 milliards FCfa, permettront sur le moyen-long terme, de substituer à la domination des ressources d’origine externe dans le portefeuille la prééminence de la dette en monnaie locale, avec tous les avantages en termes de réduction de l’exposition au risque de change et aux taux d’intérêt variables. Le Comité national de la Dette publique connaîtra de tous les dossiers d’endettement de l’Etat et sera renforcé dans ses prérogatives et dans sa composition. La modalité de financement relative aux contrats de Partenariat public-privé (Ppp) est fortement encouragée dans cette stratégie. Il s’agira pour le privé, de prendre le relais de l’État. Un des enjeux pour l’année 2025 est de finaliser une stratégie permettant de revenir à une politique d’endettement plus vertueuse, avec une dette plus soutenable. Par ailleurs, en matière de gouvernance, le Gouvernement s’emploiera à restaurer l’unité budgétaire en faisant transiter toutes les opérations de financement et d’exécution de dépenses dans le budget de l’Etat. Le plafond des emprunts autorisés par la loi de finances sera scrupuleusement respecté pour éviter de tomber encore dans une spirale d’endettement. Ainsi, tout contrat de financement de l’Etat ou du secteur parapublic sera impérativement soumis, avant signature, à l’examen préalable du Comité national de la dette publique (Cndp) qui veillera au respect de la trajectoire d’endettement du Pays. En outre, des dispositions législatives sont insérées dans le présent projet de loi pour encadrer davantage les règles organisant les opérations budgétaires et de trésorerie.

L’Etat entend également accélérer la restructuration de son portefeuille, qui comprend aujourd’hui un nombre important de sociétés dont les contre-performances récurrentes pèsent fortement sur les finances publiques, avec des comptes structurellement déficitaires depuis plusieurs années. Ces sociétés sont d’ailleurs prises en compte dans l’analyse des risques budgétaires, en raison de leur situation financière critique. Ainsi, une restructuration globale du portefeuille sera engagée et permettra d’améliorer leur gouvernance, d’optimiser leur performance à travers une gestion financière plus rigoureuse, permettant de réduire les risques qu’elle génère pour les finances publiques et d’économiser ainsi des ressources qui pourront être orientées vers d’autres priorités.