NETTALI.COM - Une administration performante, au service du citoyen. Telle est la volonté exprimée par le chef du gouvernement, Ousmane Sonko. Face à de nombreux goulots d’étranglements, des solutions sont proposées.
«Le plus grand combat pour les prochains mois et les prochaines années est celui de l’assainissement de notre administration, qui souffre de beaucoup de maux. Il faut que l'administration redevienne un outil au service du citoyen.» Par ces mots prononcés, hier lundi, lors de son discours à la finale de la première édition du concours Gov’Athon, le Premier ministre Ousmane Sonko relance un sujet longtemps évoqué, une sorte de vœu pieu pour les différents régimes qui se sont succédé au Sénégal. L’administration sénégalaise, ses lourdeurs, lenteurs, parfois contre performances, semble être un mal incurable, un véritable mythe de Sisyphe. D’où l’importance et l’urgence de sa réforme et de son assainissement. Le régime Pastef en a fait une priorité. L’engagement est pris en amont dans le programme de campagne de la coalition Diomaye président.
«Aujourd’hui, l’Administration sénégalaise est confrontée à de nombreuses contraintes qui déteignent sur son efficacité et son efficience. Les défaillances organisationnelles, les retards dans le traitement des dossiers, le népotisme, le laxisme, l’absence de sanctions en cas de non-respect des dispositifs réglementaires et la corruption sont autant de goulots qui altèrent les performances de l’administration publique sénégalaise. Dès lors, la mise en place d’une administration performante au service des sénégalais est un impératif», lit-on dans le document. Une administration performante, au service des sénégalais, tel est l’objectif du gouvernement. Avant le Pm, le ministre de la Fonction publique et de la réforme du secteur public avait annoncé la couleur. De passage à la Foire internationale de Dakar (Fidak), Olivier Boucal avait informé de la mise en place de stratégies pour apporter des changements au sein de l’administration sénégalaise.
«Il y a un certain nombre d'instruments que nous sommes en train de mettre en place qui vont pouvoir guider ces changements importants que nous voulons apporter au niveau de la Fonction publique. Parmi lesquels, il y a justement une stratégie sur l'accueil et l'orientation, une stratégie sur la formation publique, une stratégie aussi sur la qualité du service public que nous délivrons. Donc il y a beaucoup de documents que nous sommes en train d'élaborer actuellement et qui seront bientôt livrés au Sénégal». Le ministre a aussi évoqué la réforme du système de recrutement dans la Fonction publique grâce à la dématérialisation. «Après l’évaluation, nous nous sommes rendus compte qu’il y a beaucoup de choses qu’il faut corriger… », a indiqué Olivier Boucal.
«Abandonner la Fonction publique de carrière pour la Fonction publique d'emploi »
Des correctifs s’imposent en effet. Comme un grand corps malade, l’Administration sénégalaise souffre de plusieurs maux. Et pour Abdou Fouta Diakhoumpa, Administrateur civil et formateur à l’Ecole nationale d’administration (Ena), il s’agit surtout d’un manque de volonté politique pour réformer l’administration. «Il faut une vraie révolution. Pour ce faire, il faut abandonner la Fonction publique de carrière pour la fonction publique d'emploi. Ce qui permettra à l'administration publique d'être un outil de développement et non de gestion.»
Le spécialiste explique les termes : «La fonction publique de carrière repose sur une organisation dans laquelle les agents publics sont recrutés pour intégrer une structure professionnelle pérenne. Ce modèle est centré sur l’idée que les fonctionnaires construisent leur parcours professionnel au sein de l’administration publique, souvent avec un statut garanti et des perspectives d'évolution définies. La fonction publique d’emploi est basée sur une logique d’occupation de postes spécifiques, plutôt que sur l’intégration à une carrière à long terme. Dans ce modèle, les agents sont recrutés principalement pour leurs compétences, en réponse à des besoins ponctuels ou spécialisés de l’administration.»
Le modèle de fonction publique de carrière est largement appliqué en France, et dans ses ex-colonies, où la fonction publique est structurée en corps et cadres d’emplois, tandis que la fonction publique d’emploi est couramment utilisée dans des pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, où les agents publics sont recrutés pour des fonctions précises et peuvent être réaffectés ou remplacés en fonction des priorités institutionnelles. «La fonction publique de carrière privilégie la stabilité et la progression dans un cadre structuré, tandis que la fonction publique d’emploi met l’accent sur la flexibilité et l'adéquation aux besoins spécifiques de l'administration», fait savoir M. Diakhoumpa.
A défaut d’opter pour la fonction publique d’emploi, Abdou Fouta Diakhoumpa propose des idées pour rendre l’administration performante. Parmi celles-ci, la réforme de la formation dans les écoles nationales qui produisent les fonctionnaires, le contrôle quotidien et systématique des fonctionnaires par des corps dédiés et indépendants, l’amélioration du système d’évaluation et de notation annuelle. Le spécialiste de l’administration publique préconise surtout l’abandon du recrutement direct.
Pour lui, il faut insister sur le mérite comme seul critère d’avancement, abandonner l’avancement automatique et surtout l’avancement pour ancienneté, et systématiser la compétition à toutes les fonctions de direction. Il faudra avant tout dépolitiser la haute administration, et insister sur l’armement moral des agents publics. Président de l'Association des brevetés des écoles nationales d'administration et de magistrature (Abenam), Abdou Fouta Diakhoumpa pointe du doigt les maux qui gangrènent l’administration publique. Maux qui ont pour noms : pléthore d'agents dans certains services et surtout à Dakar, médiocre compétence des agents publics qui rendent de piètres services aux usagers du service public, manque de conscience professionnelle entraînant un laxisme surtout au niveau des agents d'exécution, coût élevé des charges sociales liées aux traitements des fonctionnaires, maltraitance du matériel de travail avec comme cause l'absence d'entretien ou de réparation, absence de sanctions disciplinaires exemplaires pour décourager les mauvais comportements.
Le Pama, pour moderniser l’administration
Les revers de l’administration sénégalaise sont nombreux, et les initiatives pour panser les plaies n’ont pas manqué. A cet effet, l’ancien président Macky Sall avait mis sur pied, en 2019, un Programme d’appui à la modernisation de l’Administration (Pama), dont l’optique était de contribuer à l’action de modernisation de l’administration du Sénégal. Au chapitre des réalisations du programme, on peut noter un renforcement de la déconcentration du ministère de la Fonction publique, une évaluation des initiatives de dématérialisation des procédures dans toute l’Administration, une vulgarisation de la charte de la déconcentration, et l’élaboration et la mise en œuvre d’un référentiel qualité pour l’Administration.
Dans sa phase 2025-2029, le Pama entend renforcer et promouvoir plusieurs chantiers conformément aux orientations du Projet, nouveau référentiel des politiques publiques et permettre ainsi d’apporter des réponses aux usagers du service public. Il s’agit entre autres de la finalisation de la dématérialisation des procédures du Pap (Plan d’actions prioritaires) avec l’appui des comités sectoriels mis en place dans les ministères, de l’élaboration d’une stratégie nationale d’accueil, d’information et d’orientation sur la base d’une étude de cartographie des expériences porteuses et la poursuite du renforcement des dispositifs d’accueil dans des administrations à forte fréquentation, de la modernisation de la gestion des ressources humaines au sein de l’Administration publique à travers une professionnalisation plus accrue des acteurs de la fonction Rh (ressources humaines), de la modernisation des procédures et du système d’information des régies financières dans le cadre de la mise en œuvre du budget programme…