NETTALI.COM - Lors de la présentation de sa DPG du vendredi 27 décembre, le Premier ministre Ousmane Sonko a été la cible de critiques acerbes de la part du député Abdou Mbow, représentant la coalition d’opposition Takku Wallu Sénégal. Ces échanges animés ont suscité des répliques immédiates du Premier ministre et de ses alliés, Guy Marius Sagna et Ayib Daffé, amplifiant la tension au sein de l’Assemblée nationale.
Abdou Mbow n'a pas été du tout tendre avec le Premier ministre. Avec verve, il a ouvertement interpellé le Premier ministre Ousmane sur certaines questions, lui faisant au passage quelques reproches. C'est ainsi qu'il a commencé par lui asséner à la figure l'intervention tardive de sa Dpg.
" Tout finit par arriver, tôt ou tard l’oiseau fera son nid. Il a fallu du temps pour que le Premier ministre se présente enfin devant la 14ᵉ Législature pour décliner sa feuille de route. Il n'avait pas eu le courage de faire sa déclaration de politique générale face à la précédente assemblée, préférant être entouré de son clan, pensant qu’à présent qu'il est peut-être à l’abri des questions qui fâchent", avant de lui lancer : "Vous venez de nous infliger le résumé que vous aura peut-être concocté le cabinet performance, mais monsieur le premier ministre la question est celle-ci, doit-on s’auto-croire ? Je crois que non ?"
Comme s'il attendait la Dpg pour lui dire tout ce qu'il a sur le coeur, Abdou Mbow a reproché à Ousmane Sonko son rapport à la vérité : " Vous avez un rapport psychologique compliqué avec la vérité et les Sénégalais n’en peuvent plus de visionner vos vars quotidiens qui leur prouvent que vous êtes un homme qui ne nous a pas dit la vérité par rapport à la situation du pays et des finances publiques. La vérité est adossée à une forme de connaissances et d’élégances intellectuelles qui permet d’acquérir une certaine crédibilité. On sent une absence d’humilité dans vos propos comme si le Sénégal vous attendait pour exister. C’est parce que vos prédécesseurs ont réalisé des choses que vous avez pu aller à l’école et devenir un premier ministre de la République du Sénégal".
Avant de revenir à la charge : "Vous avez pris le pari de conflictualiser les rapports politiques pour accéder au pouvoir. Aujourd’hui, les sénégalais vous ont confié les clés de la maison, alors changez de fusil d’épaule, montrez-vous digne de la confiance que les sénégalais vous ont manifesté, arrêtez plus que jamais les discours populistes qui risquent de vous rattraper comme ce fut le cas de toujours. Aujourd’hui, plus que jamais, notre jeunesse est désorientée. Vous lui avez promis l’emploi, vous avez confié l’argent de nos fonds. L’économie sénégalaise est de moins en moins compétitive."
Abdou mbow n'a pas fait que cela puisqu'il a aussi dénoncé ce qu’il considère comme une gestion populiste et conflictuelle de la part d’Ousmane Sonko. "Nous sommes au courant que vous êtes sous la menace des combattants que vous-même, vous aviez recruté pendant votre mortal kombat, et vous prenez les 5 milliards des deniers publics pour les payer. Allez-vous également indemniser les victimes comme Me El Hadj Diouf, Auchan, et les autres Sénégalais qui ont tout perdu ? ". Selon lui, le Premier ministre aurait utilisé cinq milliards de francs CFA pour "payer ces jeunes qui ont combattu dans la rue" afin de lui permettre d’accéder au pouvoir.
Face à ces accusations, Guy Marius Sagna, député et soutien actif de Sonko, n’a pas tardé à riposter. Il a dénoncé l’hypocrisie et les pratiques de l’ancien régime, soulignant : "Nous n’avons aucune leçon à recevoir de voleurs de deniers publics. Macky Sall et les voleurs qui l’entouraient ont déjà plongé le Sénégal dans les difficultés."
Il a également évoqué les recrutements massifs et politiciens opérés à La Poste sous le régime précédent, qualifiant ces pratiques de “clientélistes et destructrices”.
Revenant sur les accusations de corruption, il a rappelé que les tentatives de mettre en place des commissions d’enquête parlementaires avaient été systématiquement bloquées par l’ancien groupe majoritaire Benno Bokk Yaakaar. Le président du groupe parlementaire de la majorité, Ayib Daffé, a ajouté sa voix aux critiques contre Abdou Mbow, qualifiant ce dernier de "reste de l’ancien gouvernement". "Abdou Mbow n’a même pas été choisi par le peuple pour être député. Il parle aujourd’hui grâce à la peur de Macky Sall de rentrer au pays pour les crimes qu’a commis son gouvernement !".
Réponse d’Ousmane Sonko Le Premier ministre lui-même est intervenu pour répondre aux critiques d’Abdou Mbow. Sur la question des fonds secrets, il a réitéré ses propos tenus avant la Présidentielle : "Je suis d’accord que les fonds politiques sont illicites. Par contre, il y a des opérations ultra-sensibles, des fonds secrets qu’il faut encadrer."
Sonko a également dénoncé les amalgames faits par Abdou Mbow concernant la gestion des terrains, précisant : "Les autorités politiques et administratives qui faisaient le partage des terrains, c’est différent des syndicats qui s’organisent pour avoir des coopératives. Les gens sont éveillés."
Enfin, répondant aux menaces implicites de blocage parlementaire, il a affirmé : "Vous ne pouvez pas nous faire peur. Si nous n’avions pas dissous l’Assemblée, techniquement, il aurait été difficile de gérer le pays."
Ces échanges vifs mettent en lumière les divisions profondes entre la majorité dirigée par Ousmane Sonko et une opposition qui se cherche encore, après la fin de l’ère Macky Sall. Tandis qu’Abdou Mbow dénonce ce qu’il considère comme un manque de sincérité et de vision dans la politique gouvernementale, le camp Sonko défend un projet ambitieux marqué par une volonté de rupture avec les pratiques du passé.
Au-delà des passes d’armes, le débat souligne les défis auxquels fait face le gouvernement Sonko pour mener à bien son programme, dans un climat politique encore marqué par des tensions héritées des précédentes législatures. Les prochaines semaines seront décisives pour évaluer si le dialogue politique peut s’instaurer ou si les clivages continueront de dominer les échanges au sein de l’Assemblée.