NETTALI.COM - Inculpés et placés sous mandat de dépôt depuis le 11 novembre 2024 dans le cadre des enquêtes sur la reddition des comptes lancées par le régime Diomaye-Sonko, Mamina Daffé et Ibrahima Cissé, principaux acteurs de l’affaire Prodac, ont vu leur dossier connaître un développement important avec la désignation d’un expert-comptable chargé d’élucider les zones d’ombre liées au détournement de deniers publics, estimé à plus de 682 millions de francs Cfa.
Le magistrat instructeur du Parquet financier, chargé du dossier des détournements de deniers publics au Programme des Domaines Agricoles Communautaires (Prodac), souhaite obtenir des clarifications sur les faits reprochés à l’ancien Coordonnateur du Prodac, Mamina Daffé et à Ibrahima Cissé. Ces derniers ont été inculpés et placés sous mandat de dépôt pour respectivement complicité d’escroquerie portant sur des deniers publics, blanchiment de capitaux et escroquerie portant sur des deniers publics, faux et usage de faux en écritures privées de commerce ou de banque, ainsi que blanchiment de capitaux, pour un préjudice évalué à 682 118 742 francs Cfa.
Lundi dernier, 6 janvier 2025, le magistrat du Parquet financier a rendu une ordonnance désignant le cabinet d’audit et d’expertise (Adr) d'Abdoulaye Dramé, expert-comptable, afin d’effectuer une expertise dans un délai de 60 jours. Cette expertise doit permettre de «déterminer si les activités des entreprises Tida et Itaa sont compatibles avec l’objet du contrat conclu en vue d’assurer le transit des équipements du Port de Dakar aux sites finaux ; les diligences faites tant par elles que par l’entreprise Itaa pour l’acheminement desdits équipements ; de produire toutes les factures validées et ayant donné lieu à un paiement ; procéder à une étude comparative de la tarification fixée sur ces factures à la tarification usuelle sur le marché, compris comme l’institution sociale abstraite où se rencontrent l’offre et la demande de biens ou de services».
Tout a commencé par une saisine de l'Agent judiciaire de l’Etat en date du 16 août 2024 pour enquête sur les deux personnes incriminées. Les enquêteurs de la Division des Investigations Criminelles (Dic) ont révélé, au sortir de leur investigation, que Mamina Daffé avait validé de fausses factures déposées par l’entreprise Tida. Une technique qui a permis à cette structure de se faire payer la somme de 1 319 992 512 FCfa, alors que le marché en question avait en réalité été exécuté par une société sous-traitante, Itaa, pour un montant de 673 873 773 FCfa, soit une différence de 682 118 742 FCfa au préjudice de l'Etat du Sénégal. Le dossier du Programme des Domaines Agricoles Communautaires (Prodac) fait partie des cinq premiers confiés au Pool judiciaire financier (Pjf) par le régime du Président Bassirou Diomaye Faye, dans le cadre de la reddition des comptes. C’est sur instruction de l'Agent judiciaire de l’État que la Dic a rouvert le dossier pour auditionner l'un des anciens coordonnateurs, Mamina Daffé.
Dans le rapport de la Cour des Comptes sur la gestion du programme Prodac, les contrôleurs ont relevé une passation irrégulière de marchés pour le compte du Ministère de la Jeunesse. Mamina Daffé, l’ancien coordonnateur, a déclaré aux enquêteurs de la Cour des Comptes qu’il avait «reçu instruction du Ministère chargé de l’Emploi de faire passer ses marchés à travers le service de passation des marchés du Prodac».
Il a expliqué que le Prodac avait reçu une instruction du Cabinet du Ministre de l’Emploi, de l’Insertion Professionnelle et de l’Intensification de la Main-d’Œuvre, par correspondance n° 00500/Meipimo/SG du 11 mai 2018, de procéder au règlement de dépenses au titre de la gestion 2017 et à l’exécution de celles prévues en 2018 au bénéfice du ministère. Cela faisait suite à l’autorisation accordée par le Ministre de l’Économie, des Finances et du Plan de prélever 500 000 000 F Cfa sur le compte de dépôt du Prodac, par lettre n° 003962/Mefp/Dgb du 27 avril 2018. Pour la Cour, les procédures de passation des marchés du Ministère, autorité contractante au sens de l’article 2 du décret 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des Marchés publics, auraient dû être exécutées par sa propre commission des marchés, et non par celle du Prodac, conformément aux dispositions de l’article 35 dudit code.