NETTALI.COM - L'audit interne réalisé sur instruction du nouveau directeur général d'Air Sénégal, Tidiane Ndiaye, a mis à jour de graves irrégularités qui freinaient l'envol de la compagnie nationale. Des pratiques frauduleuses qui font peser sur leurs auteurs des risques de poursuites pénales. Deux agents ont déjà été licenciés, dont le chef d'escale d'Air Sénégal à Abidjan.

La décision a eu l'effet recherché. A peine nommé Directeur général d'Air Sénégal en août dernier, Cheikh Tidiane Ndiaye a donné le ton de son mandat avec une volonté farouche de transparence. Dès sa prise de fonction, il a mis en place un comité d'audit interne pour examiner des «faits et pratiques» qui, selon ses mots, «ont attiré son attention par leur caractère peu conventionnel». Aujourd'hui, le rapport de ce comité fait l'effet d'une bombe, dévoilant une série de pratiques frauduleuses qui pèsent lourdement sur la compagnie nationale.

Les auditeurs pointent du doigt une gestion chaotique du programme Staff Travel, un avantage réservé aux employés et leurs ayants droit, détourné à des fins personnelles. Selon le rapport, des billets censés être attribués au personnel ont été vendus à des personnes externes à Air Sénégal contre rémunération, occasionnant des pertes énormes. Ces dérives ont conduit au licenciement d'un agent chargé de la vente des billets. La Direction générale ne compte pas en rester là. Elle a lancé des démarches pour récupérer les sommes indûment perçues, y compris auprès des bénéficiaires externes.

Le rapport accuse également certains responsables d'avoir ordonné la distribution de billets «Staff» au profit de tiers, aux frais de la compagnie. Les abus ne s'arrêtent pas là : ces mêmes responsables auraient également fait acheter des billets sur des compagnies étrangères, en nombre illimité, souvent en classe affaires, pour des bénéficiaires externes. Un gaspillage évalué à plusieurs dizaines de millions de francs CFA. Indignée, la Direction générale martèle : «Ces sommes seront recouvrées et les mesures idoines prises à l'encontre des donneurs d'ordre.»

Le naufrage financier du Hadj 2024

Le pèlerinage à La Mecque 2024, qui devait être un marché rentable pour la compagnie aérienne nationale, a été une grande perte selon l’audit interne. «L’opération Hadj 2024, qui devait être une bouffée d’air frais en termes de revenus, s’est soldée par une perte de plusieurs milliards de francs CFA.» La Direction générale n’écarte pas des poursuites judiciaires contre les personnes épinglées par l’audit interne, des investigations étant en cours pour déterminer les raisons exactes de ce déficit. Les auditeurs ont critiqué dans leur rapport la gestion de l’équipe sélectionnée. Ils mentionnent que «leur mission a été écourtée en raison de la fin anticipée des vols». C’est pourquoi la Direction générale réclame les frais de mission perçus en trop. «Parce que les perdiems sont calculés sur le nombre de jours de mission. Si le séjour est prolongé pour les besoins du service, les perdiems sont ajustés à la hausse, et à la baisse s’il est écourté, quelle qu’en soit la raison.»

Sur le terrain, les pratiques douteuses continuent d'émerger. A Abidjan, où Air Sénégal est passé de 5 à dix vols hebdomadaires grâce à un réseau mis en place par Tidiane Ndiaye, le chef d'escale s'est retrouvé dans le collimateur des auditeurs. Il aurait embarqué des passagers en leur appliquant le tarif le plus bas, sans l'accord de son représentant, et au-delà des capacités de la classe concernée. Cette pratique, connue dans le jargon aérien sous le nom de Goshow, a provoqué un désordre tarifaire et opérationnel. En outre, certains agents auraient fréquemment annulé des pénalités, en violation flagrante des procédures, engendrant un manque à gagner considérable pour la compagnie. Ces dérives ont conduit au licenciement du Chef d'escale d'Abidjan, une décision qui s'inscrit dans une série de mesures disciplinaires annoncées par la Direction générale.