NETTALI.COM - Avec l'investiture de Donald Trump en tant que 47e président des États-Unis le 20 janvier 2025, les pays africains se retrouvent à un carrefour crucial. Bien que l'Afrique ait été largement absente des débats lors de la campagne présidentielle américaine, les conséquences de ce retour seront inévitables, compte tenu de l'influence économique et politique des États-Unis sur le continent
Si son premier mandat (2017- 2021) a été marqué par une approche isolationniste et un intérêt réduit pour l'Afrique, une nouvelle présidence pourrait redessiner les relations entre Washington et les pays africains. Lors de son premier mandat, Donald Trump a adopté une politique étrangère largement dominée par la rivalité avec la Chine et les tensions avec l'Iran, reléguant l'Afrique à un rang secondaire.
Contrairement à ses prédécesseurs, il ne s'est jamais rendu sur le continent et a réduit les engagements diplomatiques et militaires. En 2018, ses propos insultants à l'égard de plusieurs nations africaines avaient provoqué une vague d'indignation, illustrant son désintérêt pour les enjeux africains.
L'approche pragmatique et unilatérale du républicain en matière de politique étrangère pourrait affaiblir le soutien américain aux institutions démocratiques africaines. Alors que l'administration Biden a multiplié les initiatives en faveur de la gouvernance et des réformes électorales, l’arrivée de Trump pourrait signifier une tolérance accrue envers les régimes autoritaires. En témoigne son soutien aux dirigeants populistes et à certaines autocraties durant son premier mandat.
En outre, la politique migratoire très stricte de Donald Trump pourrait affecter les diasporas africaines aux États-Unis, avec une possible réduction des visas et une politique plus restrictive en matière d'immigration. Son retour signifierait un renforcement des mesures anti-immigration, avec la promesse d'expulser dès le premier jour de son mandat un million de migrants en situation irrégulière. Une telle politique affecterait directement les Africains, dont le nombre à la frontière américano-mexicaine a explosé ces dernières années, passant de 13 000 en 2022 à 58 000 en 2023. Beaucoup fuient la guerre, la pauvreté ou la persécution, mais risqueraient de se heurter à une politique encore plus restrictive que lors de son premier mandat.
Selon la nouvelle administration, dès le mardi 21 janvier 2025, au lendemain de son investiture, il sera procédé à des arrestations massives de migrants illégaux dans tout le pays, a indiqué un haut responsable qui va prendre ses fonctions. “Il va y avoir des actions dans tout le pays. Chicago n’est qu’un endroit parmi d’autres”, a indiqué vendredi sur la chaîne américaine Fox News Tom Homan, ex-directeur de l’Agence chargée du contrôle des frontières et de l’immigration (ICE), et qui sera chargé des frontières dans l’administration Trump.
Déjà, en 2017, son administration avait instauré des restrictions pour plusieurs pays africains, comme le Nigeria et le Soudan. Aujourd’hui, les diasporas africaines aux États-Unis, notamment celle du Kenya, expriment de vives inquiétudes face à la menace de discriminations et d'expulsions massives. Dans des villes comme Chicago, certains immigrés prennent des mesures de précaution, craignant des rafles imminentes.
Si cette politique se concrétisait, elle pourrait accentuer les tensions entre Washington et certains pays africains, tout en poussant davantage de migrants à chercher refuge ailleurs, notamment en Europe ou en Amérique latine. Selon certaines sources aux USA, les immigrés des grandes villes se préparent à des arrestations massives, depuis que Donald Trump a remporté l'élection en novembre, mais les informations selon lesquelles son premier coup de filet se ferait dans la région de Chicago, ont fait naître un nouveau sentiment d'urgence et de peur. Les plans d'arrestation en vue de l'expulsion sont en cours d'élaboration, mais les agents fédéraux de l'immigration cibleront plus de 300 personnes ayant des antécédents de crimes graves et violents après l'entrée en fonction de M. Trump lundi, a déclaré samedi un fonctionnaire sous couvert de l'anonymat, car les plans n'ont pas été rendus publics. L'opération sera concentrée dans la région de Chicago et se poursuivra toute la semaine, sous réserve d'éventuels retards dus aux conditions météorologiques.
L'Afrique face à une recomposition des alliances
Sur le plan économique, l'administration Trump avait mis fin à certaines initiatives clés, comme la politique commerciale préférentielle de l'African Growth and Opportunity Act (Agoa) et avait adopté une approche transactionnelle des relations bilatérales. Si certaines nations, comme le Maroc, avaient su tirer profit de cette dynamique, d'autres pays ont vu leurs relations se dégrader. Son retour pourrait bouleverser les relations stratégiques entre l'Afrique et les États-Unis, notamment en raison de son rejet des engagements multilatéraux.
Sous son premier mandat, les États-Unis s'étaient retirés de plusieurs organisations internationales, dont l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui avait affaibli la coordination dans la lutte contre la Covid-19. Une politique similaire pourrait limiter le soutien américain aux initiatives africaines en matière de santé, de développement et de lutte contre le changement climatique.
En outre, la lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Ouest et au Sahel, pourrait être impactée. L'administration Biden a tenté de renforcer la coopération avec les gouvernements africains et les forces régionales dans la lutte contre les groupes djihadistes, mais une présidence Trump pourrait réduire ces efforts, laissant le champ libre à d'autres acteurs comme la Russie et la Chine.
Cependant, des experts estiment que son administration pourrait adopter une approche différente, cette fois-ci. Tibor Nagy, ancien secrétaire d'État adjoint aux Affaires africaines, prévoit que Trump mettra l'accent sur trois priorités : contrer l'influence croissante de la Chine en Afrique, intensifier la concurrence pour les ressources stratégiques et transformer la jeunesse africaine en une force positive grâce à des engagements diplomatiques, explique-t-il dans les colonnes de “Jeune Afrique”.
Sous sa présidence précédente, il a initié plusieurs programmes qui pourraient bénéficier aux pays africains. Il a lancé Prosper Africa, visant à renforcer les liens commerciaux entre les États-Unis et le continent, et a créé la Société de financement du développement international des États-Unis (DFC), qui a investi plus de 10 milliards de dollars en Afrique. Ces initiatives pourraient être relancées ou approfondies pendant son nouveau mandat. Des figures comme J. Peter Pham, ancien envoyé spécial pour les Grands lacs et le Sahel, soulignent que malgré les tensions passées, le corridor ferroviaire de Lobito, un projet d'infrastructure clé soutenu par l'administration Biden, pourrait continuer à prospérer sous Trump.
Des promesses américaines au Sénégal sous Biden : un tournant à l’épreuve d’un retour de Trump ?
Lors de sa visite à Dakar en août 2024, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a annoncé de nouveaux financements en faveur du Sénégal, mettant en avant son engagement pour la démocratie et la stabilité. Cette visite s’inscrivait dans un contexte de rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine pour l’influence en Afrique. Blinken a signé plusieurs accords d’investissement, notamment dans les infrastructures routières et la sécurité publique et a promis un soutien à la production de vaccins au sein de l’Institut Pasteur de Dakar.
Il a également réaffirmé l’engagement des États-Unis à renforcer leur partenariat avec l’Afrique sans exiger d’exclusivité, une position partagée par la diplomatie sénégalaise. Toutefois, l’éventualité d’un retour de Donald Trump en 2025 pourrait rebattre les cartes. Son premier mandat avait été marqué par un désintérêt pour l’Afrique, une politique migratoire restrictive et une approche transactionnelle des relations internationales.
Une nouvelle administration Trump pourrait remettre en cause ces engagements et accélérer le recentrage stratégique de l’Afrique vers d’autres partenaires comme la Chine, la Russie ou la Turquie. Son approche pragmatique et transactionnelle, combinée à une possible diminution de l'engagement américain sur le continent, pose la question de l'avenir des partenariats stratégiques et du rôle des États-Unis en Afrique.