NETTALI.COM - S'il y a une question qui suscite des doutes et des interrogations, c'est bien celle de l'indemnisation des victimes. Le procédé utilisé par le gouvernement ne fait pas l'unanimité. Si d'aucuns estiment qu'elle est normale et même insuffisante, d'autres jugent une nébuleuse inéquitable, uniquement destinée à récompenser des militants.
Invité du "Grand Jury" du dimanche 2 février, le président du groupe parlementaire de Pastef, Ayib Daffé juge la décision « juste », estimant que la somme de "10 millions à donner aux familles des victimes qui ont perdu la vie est une mesure équitable. Si l’État en avait les moyens, si les finances publiques le permettaient, l’État aurait donné plus, selon lui. Par rapport aux ex-détenus, certains ont été emprisonnés injustement, certains ont perdu leur emploi. Je pense que les 500 000 F CFA, ce n’est pas grand-chose, mais c’est symbolique", a-t-il argumenté face au journaliste Georges Déthié Diop sur RFM.
Diop Taïf, un ex-détenu et membre de Pastef, abonde dans le même. "Beaucoup ont jugé que la somme de 500 000 F est trop petite et que cette somme ne peut rien régler"
Des avis que ne partage pas le député Abdou Mbow qui accuse le gouvernement de mener une politique d'indemnisation biaisée, sous couvert d'assistance aux familles des victimes des manifestations. "Le gouvernement a décaissé cinq milliards F CFA pour indemniser les victimes des violences politiques entre 2021 et 2024, semblant décidé à appliquer dans une suspecte urgence le projet de panser les blessures de ses militants”, dit-il en rappelant que, lors du vote de la loi de finances rectificative, le ministre des Finances et du Budget avait annoncé que plus de 100 millions F CFA avaient été octroyés aux victimes des événements politiques de 2021- 2024".
Pour lui, c’est une situation grave. "C’est grave ça ! C’est un précédent dangereux… Depuis quand c’est à un gouvernement d’indemniser des victimes de manifestations et pas à la justice de le faire, si elle l’a jugé nécessaire, à la suite de la tenue d’un procès ?", s’interroge-t-il, avant de poursuivre : "Et ceux dont on a désigné les maisons aux pillards incendiaires, que leur destine l’État dans sa générosité distinctive ? C’est quoi ce partage partisan ? Qui va réparer les dégâts causés par les manifestations, comme le saccage de l’université Cheikh Anta Diop ?", insiste-t-il dans ses interrogations.
Le député va plus loin en affirmant que le Premier ministre Ousmane Sonko cherche à “acheter” ses partisans en leur offrant une compensation financière, plutôt que de leur assurer un avenir décent dans leur propre pays.
Il dénonce au passage une approche qui, selon lui, ne résout en rien les véritables problèmes socio-économiques et ne fait que masquer la réalité d'une jeunesse désabusée, prête à tout pour fuir son pays. "En fait, Sonko est juste en train d’acheter ses militants en leur donnant leur part du gâteau, alors qu’il n’arrive pas à tenir ses promesses de leur donner un avenir décent dans leur pays", fait-il remarquer.
Le député Abdou Mbow ne manque pas ainsi de s'interroger sur la portée des décisions de justice qui ont sanctionné certains faits avérés. Selon lui, l'indemnisation des ex-détenus revient à remettre en cause les verdicts rendus par les tribunaux. “Les ex-détenus sont ceux qui ont attaqué la gendarmerie, y ont mis le feu pour prendre les armes ou exploser les munitions. Les ex-détenus sont ceux qui ont confectionné des cocktails Molotov, incendié des bus, l’Ucad, saccagé des édifices publics, dévalisé des boutiques et voulaient marcher vers le palais de la République. Les ex-détenus ont brûlé Auchan, Total et ont toujours averti d’une deuxième et troisième vague de ‘gatsa-gatsa’ beaucoup plus incendiaire”, rappelle-t-il.
Pour lui, ces actes sont des infractions graves aux yeux de la loi. Il les a d’ailleurs qualifiés de "bandits de grand chemin" et d'"ennemis de la République", estimant qu'ils ne méritent pas d'être indemnisés. Il critique également l'absence d'une évaluation rigoureuse par une "commission vérité et réconciliation", pourtant suggérée par la loi d'amnistie. Il craint que sans un tel processus, l'indemnisation soit perçue comme une validation des actes de saccage, d'incendie, de destruction de biens et de pillages. Autrement dit, "cela devient un droit", avertit-il.
Même son de cloche chez Ibrahima Hamidou Dème, Président du parti ETIC. Celui-ci parle de “patrimonialisation de l’Etat et de clientélisme tant décriés ces dernières années, (qui) persistent de plus belle avec la gouvernance Pastef”. “L’Etat de droit, c’est avant tout, la soumission de l’Etat à la loi. Or, aucune loi, aucune jurisprudence et même aucune logique, ne peut justifier que des personnes poursuivies par la justice, bénéficient de la qualité de victimes et soient indemnisées sans décision judiciaire”, fait-il savoir.
Pour rappel, vendredi dernier, le ministère de la Famille et des Solidarités a annoncé la décision du gouvernement concernant l'assistance aux victimes des manifestations politiques antérieures. Ainsi, une aide financière de 10 millions de francs sera octroyée à chaque famille ayant perdu un proche lors des manifestations préélectorales.
La question qui se pose, est de savoir ce qu'il en sera des forces de sécurité blessés, des propriétés privées incendiées, sans oublier les commerces privés tels quAuchan, Total, les agences de banque et autres ?