Le projet du président américain d'une prise de contrôle de la bande de Gaza par les Etats-Unis, entraîne une vague de condamnations dans le monde entier. L'idée apparaît à la fois irréaliste et illégale.
Même en voulant faire preuve de nuance, on ne voit vraiment pas comment accorder ne serait-ce qu’un soupçon de crédibilité au projet.
Voici en gros l’argumentaire : Trump et son administration constatent que Gaza est en ruines, qu’on ne peut plus y vivre et qu’il faut donc déplacer ses deux millions d’habitants pour reconstruire le territoire qui deviendra « la Côte d’Azur du Moyen-Orient ».
C’est le raisonnement d’un promoteur immobilier. Le métier d’ailleurs de l’envoyé de Trump au Moyen-Orient, Steve Witkoff. En clair, on pourrait résoudre un des casse-tête diplomatiques les plus complexes au monde par un simple deal commercial, les Etats-Unis prenant bien sûr des parts dans le business.
Trump adopte les mêmes réflexes sur l’Ukraine quand il propose cette semaine à Kiev son aide en échange de garantie sur ses terres rares.
Mais le commerce ne peut pas ignorer la géopolitique, et c’est le premier problème de la proposition de Trump. Nier l’Histoire et l’attachement des Palestiniens à leurs terres. Trois quarts de siècle après la Nakba, l’exode de quelque 700 000 Palestiniens à la création d’Israël, ils seraient trois plus nombreux forcés à quitter leurs foyers. C’est un nettoyage ethnique, un projet qui foule aux pieds le droit international, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. L’obstacle est donc aussi juridique.
Même si le droit est une notion à géométrie variable au Proche-Orient, il y a des règles. Tout déplacement forcé de population est interdit. Les condamnations pleuvent en Europe, au Moyen-Orient, en Asie… Et quel serait le cadre d’une prise de contrôle de Gaza par les Etats-Unis ?
Il faudrait par ailleurs que Washington envoie des troupes. C’est un obstacle de plus, et une énorme incohérence. Donald Trump a toujours eu un mantra en politique étrangère : le désengagement. Réduire l’implication des Etats-Unis dans les crises internationales.
Le même homme serait donc prêt aujourd’hui à déployer des soldats à Gaza ? C’est à la fois dangereux et coûteux. Un virage à 180 degrés difficilement justifiable.
Quant aux pays arabes censés accueillir les Palestiniens, ils balaient le projet d’un revers de main. La Ligue arabe, qui regroupe 22 pays, y voient « une recette pour l’instabilité ».
Même en Israël, seule la droite radicale applaudit la proposition de Trump. Les modérés s’interrogent sur sa faisabilité.
On peut ajouter à la liste le coût gigantesque d’un tel projet : qui pourrait financer cela ? On peut enfin s’interroger sur l’impact de propos aussi transgressifs sur le processus en cours de libération des otages à Gaza : ne fragilisent-ils pas la maigre confiance établie ?
A court ou à moyen terme, ce projet de Donald Trump ne pourra pas être mis en œuvre. Beaucoup trop d’obstacles à surmonter. Il est possible que Trump ne mesure pas qu’un tel projet défie la raison et ne verra pas le jour. Dans ce cas, on dépense sans doute beaucoup trop d’encre et de salive pour commenter ses propos.
On peut aussi faire deux observations. La première c’est que Trump propose une autre approche de la diplomatie, débarrassée de l’Histoire, chargée d’idéologie. C’est très discutable mais c’est peut-être un moyen de faire bouger les lignes. La seconde, c’est que la sortie de Trump pourrait masquer d’autres projets, comme l’annexion de la Cisjordanie par Israël. Beaucoup plus réaliste.
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