Aussi, le long feuilleton judiciaire sur les événements du massacre du 28 Septembre 2009, à Conakry m’a permis de noter à quel point la mégalomanie et la désorganisation peuvent affecter une armée.
Les générations devancières ont mis sur pied un vrai outil de défense articulé sur une bonne organisation, mais des ressources humaines de valeur. Si on vante partout dans le monde, le professionnalisme et la bravoure des jambars, on le doit au savoir-être et au savoir-faire inculqués par nos anciens, mais principalement aux valeurs cardinales conservées en bandoulière, sous toutes les latitudes. Aussi la valeur combattante d’une Armée (des hommes) supplantera toujours le matériel, quel que soit son niveau car, ce sont les hommes qui feront la décision sur le terrain, pas dans l’apparat.
Mieux, les théâtres d’opérations où j’ai eu la chance et l’honneur d’être déployé, m’ont permis de noter en grandeur nature, toute la bravoure et l’esprit de sacrifice de nos fiers soldats. J’ai encore en mémoire ce soldat de ma compagnie qui a perdu presque sa main et qui a refusé d’être évacué, ne voulant pas laisser ses frères d’armes sur le terrain, pourtant, il ne pouvait plus tenir son arme. Autour de ces hommes du devoir, se tenaient des chefs meneurs, téméraires, désintéressés et soucieux du bien-être et de la sécurité de ceux dont le destin était accroché aux ordres qu’ils donnaient. Notre Armée a toujours regorgé de chefs intrépides, des meneurs d’hommes qui ont bravé la peur, les risques, les intempéries. Ils dormaient sans confort avec un seul œil et s’érigeaient en remparts, chaque fois que de besoin. Une mission accomplie étant leur sacerdoce, leur motif de satisfaction, sans rechigner et avec une discipline légendaire. Chaque fois qu’un homme tombait au champ d’honneur, les jambars n’ont jamais eu un autre reflexe que de continuer le combat dans une fraternité d’armes inébranlable. En revisitant l’histoire africaine, j’ai noté que dans tous les pays où une rupture institutionnelle a été enregistrée, la raison revenait toujours comme un boulet : une armée désunie. Heureusement au Sénégal, l’unité nationale est une réalité, réalisée par le feu Pdt Senghor. Aucune différence ethnique, raciale, linguistique, confessionnelle ou régionale, n’a affecté son évolution. C’est sur ce socle solide qu’est bâtie notre Armée. Le conflit armé au Sud du pays nous a enseigné jusqu’à quel niveau ce socle a résisté.
A-t-on oublié le cœur meurtri de nos frères d’armées du sud qui ont intervenu, dans leur région ?
A-t-on oublié tous ceux qui dorment d’un sommeil éternel sous terre et qui ont donné leur vie pour la stabilité du pays ?
Ce faisant qu’on n’oublie pas « qu’on nous regarde et on nous envie ».
En Afrique et partout ailleurs, les lettres de noblesse de notre Armée sont citées en exemple. C’est pourquoi on ne doit pas décevoir.
Un militaire n’a jamais eu pour obsession le gain facile, le clientélisme ou certaines pratiques en déphasage net avec le métier de soldat.
De nos jours, nos officiers dont les noms étaient scandés par les bandeaux préfèrent l’anonymat de peur d’être traînés dans la boue, le tout dans l’exercice du devoir. De guerre lasse, les contingents de frustrés, de renégats et de gens peu motivés se formeront progressivement car le mal est carriériste et cette spirale peut nous valoir des lendemains incertains si la tendance ne s’inverse pas. Ne donnons pas l’occasion aux politiciens de nous diviser car, « nous sommes des citoyens à part entière, mais entièrement à part ». La fraternité d’armes, je le mentionne encore, est un lien au-delà du sang. Si vous êtes atteint sur le terrain, un frère d’armes viendra vous sauver, ce ne sera point votre frère de sang ou une quelconque autorité civile, fut-elle le Chef suprême des Armées. La discipline doit être maintenue en selle, en clair, qu’on sanctionne ceux qui ont fauté, si c’est avéré, documenté, quelle qu’en soit la gravité. Les guerres, intestines n’ont pas droit de cité, car elles fissurent la fraternité d’armes, anéantissent le moral et détruisent toute l’efficacité de l’armée.
Enfin, les officiers seront tenus pour responsables, non tenanciers des traditions et valeurs et comptables des conséquences devant l’histoire.
Vous avez tous rendu d’éminents services au pays des services incomparables à ceux qui ont aujourd’hui la voix au chapitre.
Ne divisez pas notre armée, si vous le faites, l’histoire le retiendra.