NETTALI.COM - Un logo placardé sur les maillots du PSG, et un sponsoring d’État pour aller faire des selfies avec des gorilles. Ce partenariat était déjà discutable, il est aujourd’hui dénoncé, depuis que le Rwanda est accusé de financer un groupe rebelle qui sème le chaos en République démocratique du Congo.

On le voit partout. Sur le maillot d’échauffement du PSG, sur les manches des joueurs d’Arsenal, sur les panneaux LED du Bayern Munich les soirs de match. “Visit Rwanda” s’affiche en lettres capitales, incitant les Européens à monter dans un avion pour découvrir les charmes verdoyants d’un État d’Afrique de l’Est. Aujourd’hui, cette offre de voyage donne surtout la nausée.

La controverse s’est déclarée dimanche, quand Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo a dégainé sa plume pour noircir le bilan de trois clubs de football : le PSG, le Bayern et Arsenal. Message : “Votre sponsor est directement responsable de ce désastre.” La ministre parle d’un sponsoring “sanglant”, pointant du doigt l’aggravation du conflit en RDC et la crise humanitaire qui l’accompagne.

Elle n’est pas la seule à dénoncer ce “partenariat de la honte”. 60 000 signataires ont suivi l’appel lancé le 27 janvier par les supporters du PSG, dans le cadre d’une pétition exigeant la fin du contrat liant depuis 2019 leur club de coeur à l’office de tourisme du Rwanda. Dans le texte, une mise en accusation claire : “Le Rwanda, sous le gouvernement de Paul Kagame, est de plus en plus impliqué dans les conflits en RDC, où des groupes armés soutenus par le Rwanda exacerbent une crise humanitaire dévastatrice.” Lucide, engagé, mais pour le moment inefficace.

Le soutien du M23 par le Rwanda confirmé par l’ONU

Officiellement, “Visit Rwanda”, c’est du tourisme. Une carte économique à faible coût, censée booster l’attractivité du pays et asseoir son influence régionale. Une recette à base de soft power inspirée du Qatar ou de l’Arabie saoudite. Mais les accusations s’accumulent. Depuis des années, Paul Kagame président depuis 25 ans du Rwanda, est pointé du doigt pour son soutien au M23, un mouvement rebelle actif dans l’est du Congo depuis 2012. La République démocratique du Congo accuse le Rwanda de financer et d’armer les insurgés afin d’y récupérer les métaux rares du Sud-Kivu. Des allégations confirmées par l’ONU, pendant que Kigali, la capitale rwandaise, nie en bloc.

Depuis décembre 2024, l’offensive s’intensifie. Ce mercredi, la cité minière de Nyabibwe est tombée aux mains du M23 et des troupes rwandaises, selon Le Monde Afrique. Une semaine plus tôt, des combats éclataient en plein coeur de la ville de deux millions d’habitants Goma entre le M23 et les forces congolaise.

Le bilan humanitaire est catastrophique : 6,3 millions de déplacés depuis 2024, selon un rapport récent l’UNHCR. Et le M23 traîne un historique cruel : massacres, exactions, viols, autant de crimes dénoncés par l’ONU.

Le sport-washing bat son plein

De l’autre côté de la frontière, la machine tourne à plein régime avec un triplement de la fréquentation touristique. 521 000 visiteurs en 2021 contre 1,4 million en 2023 selon le Premier ministre rwandais. L’éco-tourisme made in Kigali cartonne, boosté par des deals bien ficelés, de Volkswagen à la Ligue africaine de basket en passant par les prochains championnats du monde de cyclisme. Mais surtout, c’est le foot qui sert de vitrine, avec donc le PSG, Arsenal et le Bayern en ambassadeurs de luxe.

La communication du Rwanda va bien au-delà des excursions de Gonçalo Ramos, Mauro Icardi ou Warren Zaïre-Emery dans les forêts brumeuses à la recherche de gorilles. Chaque 7 avril, Kigali commémore le génocide des Tutsis de 1994, qui a coûté la vie à près d’un million de personnes. Un souvenir tragique, mais également un élément central du discours officiel selon Radio France : le soutien au M23 serait, selon les autorités rwandaises, une mesure de protection face aux groupes armés hutus installés en RDC, accusés de menacer l’existence des Tutsis.

Les clubs sous contrat jouent le jeu. Arsenal, le Bayern, le PSG, tous affichent alors leur soutien. “Nous honorons la mémoire de plus d’un million de victimes”, lance Alexandre Lacazette, alors membre des Gunners. Kylian Mbappé, lui, pose les mots : “Souvenir, unité, renaissance.” Dans les tribunes, sur les maillots, sur les écrans, un mot s’impose : “Kwibuka”, qui signifie “Souviens-toi” en kinyarwanda. Aujourd’hui, le PSG reste silencieux. Ni réponse aux autorités congolaises, ni réaction à la pétition. Alors nous pouvons leur dire aujourd’hui : “Kwibuka”, parce que nous n’oublierons pas.

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