NETTALI.COM - L'Assemblée nationale du Sénégal a adopté, ce mardi 11 février 2025, deux projets de loi majeurs destinés à réguler le secteur bancaire et celui de la microfinance. Cette initiative, saluée par les experts financiers, vise à renforcer la solidité et la résilience du système bancaire, tout en assurant une meilleure protection des consommateurs et une transparence accrue des opérations financières.

Lors de la séance plénière, le président de l'Assemblée nationale a annoncé l'approbation unanime des 13 lois relatives à la réglementation bancaire ainsi que des 13 lois encadrant la microfinance. Le projet de loi sur la réglementation bancaire a été voté par les 143 députés présents, tandis que celui portant sur la microfinance a recueilli l’adhésion des 144 députés ayant pris part au scrutin.

Selon un rapport de la Commission des lois, cette réforme a pour objectif de rééquilibrer les relations entre les institutions de microfinance (IMF) et leurs clients. Elle prévoit un meilleur encadrement, une contribution accrue au développement économique et des garanties essentielles pour les consommateurs. Parmi les principales mesures adoptées, on note : la régulation des taux d’intérêt appliqués par les IMF ; la mise en place de mécanismes facilitant le financement des petites entreprises et des ménages ; l'instauration d’un capital social minimum afin de garantir la viabilité des IMF.

En parallèle, la loi sur la réglementation bancaire ambitionne de moderniser et de renforcer le cadre juridique en matière d’accès au financement, de coût des services, de sécurité des transactions et de gouvernance rigoureuse.

Une initiative impulsée par la BCEAO

Selon le ministre des Finances et du Budget Cheikh Diba, le Sénégal a internalisé le dispositif à travers la loi n°2008-26 du 28 juillet 2008. Cependant, depuis cette date, la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a mené plusieurs réformes structurantes ayant un impact significatif sur le cadre réglementaire et opérationnel du secteur bancaire dans l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Ces réformes incluent notamment : l’adoption des normes de Bâle 2 et 3, renforçant les exigences prudentielles des banques ; la révision du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; l'adoption de lois uniformes relatives au crédit-bail et à l’affacturage ; l’intégration de nouveaux acteurs comme les entreprises de technologie financière (Fintech) et la finance islamique.

Face à ces défis, les autorités affirment que la nouvelle loi vise à instaurer un cadre plus équitable et sécurisé pour les institutions de microfinance (IMF) et leurs clients. Selon les termes du texte adopté, cette réforme a pour objectif de rééquilibrer les relations entre les IMF et les usagers, de renforcer leur encadrement et d’accroître leur impact sur le développement économique, tout en garantissant une meilleure protection des consommateurs.

Parmi les mesures phares prévues par cette loi, on retrouve : un encadrement strict des taux d’intérêt appliqués par les IMF afin de protéger les emprunteurs contre des pratiques usuraires et d’éviter les abus ; la mise en place de dispositifs facilitant l’accès aux financements pour les petites entreprises et les ménages, permettant ainsi une inclusion financière plus large ; l’exigence d’un capital social minimum pour garantir la stabilité et la pérennité des IMF, évitant ainsi des faillites aux conséquences dramatiques pour les épargnants et les emprunteurs.

Ce cadre réglementaire vise à assainir le secteur de la microfinance en assurant une plus grande transparence et en instaurant un climat de confiance entre les IMF et leurs clients. Il s’inscrit dans une dynamique de sécurisation et de modernisation du secteur financier, essentielle pour favoriser un développement économique inclusif.

Le ministre a également mis en avant les mutations observées dans l’environnement bancaire régional avec l’essor des opérations bancaires électroniques, menées notamment par les opérateurs de télécommunications.

Des critiques sur l’impact de la réglementation bancaire

Malgré les avancées annoncées, certaines voix critiques se sont élevées au sein de l’hémicycle. Le député Guy Marius Sagna a vivement dénoncé l’inefficacité du secteur bancaire de la zone UEMOA, affirmant qu’il ne soutient pas suffisamment l’économie régionale. Selon lui, les crédits accordés pour financer l’économie représentent moins de 25 % dans cette zone, contre plus de 60 % dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne et jusqu'à 100 % dans certaines régions du monde. L

’expert en économie numérique et technologies financières, le docteur Seydou Bocoum a, lui, souligné le manque de débats autour de cette réforme. “Alors que le Sénégal a récemment voté une loi intégrant des normes prudentielles et élargissant la supervision aux Fintechs et à la finance islamique, cette réforme passe inaperçue dans les débats publics. Pourtant, elle façonne indirectement la politique monétaire. En régulant l’accès au crédit, les fonds propres des banques ou les risques systémiques, ce texte influence la liquidité, le coût des prêts et la stabilité financière — des leviers clés de l’économie réelle”.

Le Dr Bocoum, vice-président et directeur scientifique au Larem (Laboratoire de recherches économiques et monétaires) à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), met en garde : “Sans transparence, ces réformes restent un outil technocratique loin des préoccupations citoyennes. En négligeant le lien entre la réglementation bancaire et la politique monétaire, on occulte une partie des racines des déséquilibres économiques, entre taux d’intérêt élevés, accès limité au financement des PME et concentration des risques.

Avec ces nouvelles lois, le Sénégal franchit une étape cruciale dans la modernisation de son cadre bancaire. Si elles sont appliquées de manière rigoureuse, elles pourraient améliorer la confiance dans le secteur financier et dynamiser l’investissement. Toutefois, leur impact réel dépendra de leur mise en oeuvre effective et de l’engagement des acteurs économiques et institutionnels. Seules une surveillance stricte et une communication claire permettront de garantir que ces réformes profitent pleinement à l’économie sénégalaise.

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