NETTALI.COM - Maurice Soudieck Dione est formel. Pour cet enseignant-chercheur en Sciences politiques, abroger la loi d'amnistie votée par le régime de Macky Sall serait une très mauvaise idée. Invitée de l'émission "Point de vue" sur la RTS1, il a aussi expliqué que la loi interprétative prônée par le Pastef n'est pas la solution.
"C'est un débat très controversé et très clivant." C'est ainsi que le professeur Maurice Soudieck Dione réagit à la polémique sur la loi d'amnistie votée sous le régime de Macky Sall dont l'abrogation est demandée par certains au moment où le Pastef et ses députés proposent une loi interprétative pour préciser davantage le champ d'application. "Personnellement, j'étais contre cette loi d'amnistie et nous l'avions exprimé collectivement à travers le comité des universitaires pour la démocratie. On estimait qu'on ne pouvait pas avoir une amnistie, c'est-à-dire une mesure de pardon si l'on n'avait pas fait la justice. Il fallait donc faire établir la vérité, faire la lumière, rendre la justice et après pardonner", a tenu à rappeler l'enseignant-chercheur titulaire d'un DEA en Sciences politiques.
A l'émission "Point de vue" ce dimanche sur la RTS1, il explique : "Aujourd'hui, on en est à savoir s'il faut abroger ou réinterpréter la loi. La loi d'amnistie est une loi assez particulière puisque l'amnistie est une amnésie provoquée et organisée juridiquement. Sous cet angle, l'amnistie porte sur des faits passés alors qu'une loi d'abrogation n'a d'effet que pour l'avenir." Et de s'interroger : "Comment une loi qui ne peut avoir d'effet que pour l'avenir peut régir une loi qui est circonscrite dans le passé?" "L'amnistie porte sur des faits susceptibles de qualification correctionnelle ou criminelle", rappelle-t-il. Avant d'avertir : "Si on abroge la loi d'amnistie, en réalité, on crée l'impunité puisqu'en droit, la loi nouvelle n'a d'effet que pour l'avenir. En abrogeant la loi d'amnistie, en matière pénale, on crée une loi plus sévère. Or, la loi pénale plus sévère ne peut pas rétroagir. La rétroactivité ne peut concerner que les lois pénales plus douces. C'est ce qu'on appelle la rétroactivité in mitius. Autrement dit, ça risque d'être très compliqué."
Quid alors de la loi interprétative proposée par le député Amadou Ba de Pastef? "Il ne faut pas oublier que la loi, comme expression de la volonté générale, est une posture idéologique et un postulat normatif. Sur le plan politique, la loi est l'expression de la volonté d'une majorité", dit Maurice Soudieck Dione. Qui poursuit : "Comment une majorité nouvellement installée au pouvoir peut-elle interpréter la volonté de la majorité déchue en disant "je sais mieux que vous ce que vous avez voulu dire"?". Autrement dit, l'interprétation va poser problème. "On interprète ce qui n'est pas clair, ce qui est ambiguë. Or, la loi d'amnistie, me semble-t-il, est assez claire. La loi précise bien les faits et la séquence temporelle dans le passé et dans laquelle la loi à vocation à agir. Il n'y a pas motif à interpréter. La loi interprétative vient corriger la loi d'amnistie. Or, la loi interprétative ne peut clarifier que ce qui est ambigu", laisse-t-il entendre.
Par ailleurs, Maurice Soudieck Dione estime qu'il est possible de modifier la loi pour la rendre conforme aux engagements internationaux du Sénégal notamment sur la tortures. Mais il avertit qu'on va tomber dans les mêmes travers que l'abrogation.