NETTALI.COM - L’ambassadrice de France au Sénégal, Christine Fages, se veut rassurante : entre Paris et Dakar, « il n’y a pas de désamour ». Dans un entretien accordé au quotidien Le Soleil, la diplomate insiste sur la solidité du partenariat, tout en reconnaissant la nécessité d’une réévaluation profonde, en phase avec les ambitions du Sénégal et les priorités françaises.

À l’heure de l’agenda « Vision Sénégal 2050 » et de la volonté française de refonder sa coopération internationale, les deux pays ont lancé un chantier inédit : la révision complète du portefeuille d’actions menées au Sénégal. Objectif : mieux aligner les projets sur les aspirations des nouvelles autorités sénégalaises, mais aussi sur les engagements de la France en matière de développement équitable.
Avec 220 projets de partenariat en cours, un investissement cumulé de 3,5 milliards d’euros, soit près de 2 296 milliards de francs Cfa, et 270 entreprises françaises employant majoritairement des Sénégalais, la France reste un acteur clé dans les domaines de l’économie, de l’éducation, de l’énergie, ou encore de la santé, selon l'interlocutrice du journal.

Le départ des militaires français : une transition accompagnée

Le retrait annoncé des Éléments français au Sénégal (EFS) n’a pas surpris. Mais pour Paris, il n’est pas question de laisser sur le carreau les 160 employés civils sénégalais concernés. Une foire à l’emploi a été organisée, et des programmes de reconversion ont été lancés, notamment dans la conduite d’engins lourds ou les métiers techniques, pour faciliter leur réinsertion dans le tissu économique national.
Sur la question sensible du massacre de Thiaroye (1944), la diplomate rappelle que la France a déjà ouvert des archives, et qu’une mission d’historiens sénégalais a pu consulter les documents disponibles. « La vérité historique est prioritaire, même si elle n’est pas reluisante », affirme l'interlocutrice du journal.
Concernant la restitution d’objets culturels, après celle du sabre d’El Hadj Oumar Tall, Paris se dit ouverte à d’autres démarches… à condition que le Sénégal formule des demandes officielles, comme cela a été fait pour le Bénin avec les trésors d’Abomey.

Étudiants sénégalais : plus de transparence, pas de blocage

Face aux critiques sur un durcissement de l’accès aux universités françaises, Christine Fages réplique : « Il ne s’agit pas de restreindre, mais de clarifier ». En 2023, 5 300 étudiants sénégalais ont rejoint l’Hexagone. Une application a été mise en place pour permettre aux candidats d’évaluer en amont leurs chances de succès, et éviter ainsi les démarches coûteuses et vaines. Elle souligne que la France reste attachée à l’accueil des étudiants étrangers, dans un esprit de réciprocité et de partenariat académique.
Interrogée sur l’idée d’un désengagement français au profit des pays anglophones ou lusophones, l’ambassadrice dément tout basculement stratégique. « Il ne s’agit pas de déplacer l’attention, mais de l’élargir. Le monde est vaste, nos partenariats aussi. »
Face à la montée en puissance de nouveaux acteurs sur le continent — Turquie, Chine, Brésil — elle assume une vision ouverte : « La concurrence est saine, à condition que les règles soient les mêmes pour tous ».

Une coopération à réinventer

Entre l’Intelligence artificielle (IA), la recherche spatiale, l’agriculture ou l’entrepreneuriat, la diplomate souligne que la France investit désormais dans de nouveaux secteurs au Sénégal, sans pour autant délaisser les axes historiques. Les présidents Diomaye Faye et Emmanuel Macron ont amorcé un dialogue franc et pragmatique. À travers cette nouvelle revue de la coopération, Paris attend désormais de Dakar une feuille de route claire sur les priorités à partager, conclut Fages.